Category Archives: Littérature scandinave

« Ces instants-là » de Herbjorg Wassmo

« Ces instants-là » de Herbjorg Wassmo

ces instants làEncore un roman de littérature scandinave et je ne m’en lasse pas ! quel régal. Mais quel livre difficile à critiquer ! nous sommes dans un roman (ou autobiographie voilée) à l’écriture exigeante et riche en fantasmagories mais aussi incisive sur la poésie des mots, sur l’esthétique et sur la précision du verbe. Le lecteur peut être dérouté au démarrage par le fait que presque aucun des personnages n’a pas de nom, ils ne sont cités que par leur fonction ou statut. C’est l’histoire d’une destinée hors du commun et d’une introspection sans concession sur les états d’âme d’une jeune fille qui veut faire quelque chose de sa vie en opposition à un père qu’elle hait et une mère trop soumise.

Nous suivons cette jeune femme tout au long de sa vie et sur ses choix dans le grand nord norvégien. Je l’ai déjà dit dans ma précédente critique de « Je refuse » de Per Petterson, mais dans toute cette littérature nordique, la nature est un personnage à part entière qui créée un envoutement particulier. La lumière, le froid, l’isolement, le manque de lumière, tous ces éléments ont une influence  sur les destinées.

Cette jeune femme que l’ont voit évoluer, se battre contre ses démons ( des crises d’épilepsies sans doute) contre son impression d’être sans intérêt, même quand on lui prouve le contraire est particulièrement attachante. Son combat pour donner un sens à sa vie, sa carrière d’institutrice mais surtout sa réussite en littérature son entachés  par ses remises en questions personnelles. Elle est dans une solitude totale et parait en permanence étrangère à sa propre vie.

 » Elle flotte dans son propre cerveau vide sans que quiconque sache qu’elle existe » p.68

« Le pire … ce ne sont pas les mots qu’elle écrit, ni ceux qu’elle n’arrive pas à apprendre par coeur dans un manuel. Le pire, ce sont les mots qui ne pourront jamais être dits et donc jamais écrits. c’est la destruction même. Ce qui jamais ne passe. » p.70

« Quand elle parle avec des gens, elle entend elle même la fausseté. Son dessein est d’enjoliver l’instant pour être aimée ou en tous cas acceptée. « p.74

« Rien ne sert de croire au destin, il faut le fabriquer soi-même. « p.81

Ces quelques citations reflète l’état d’esprit de cette jeune femme qui doute de tout et surtout d’elle même dans les moindres recoins de son âme.

Pour prendre possession d’elle-même, elle s’engage dans le métier d’institutrice. Elle se forge sa personnalité en s’opposant à la société patriarcale norvégienne. C’est une artiste, elle écrit et sera reconnue pour ses publications, elle dessine, tout cela lui confère une sensibilité particulière. Son attitude féministe lui donne l’apparence d’une assurance dont elle est dépourvue au fond d’elle même. Elle est très influencée par Simone de Beauvoir. Elle ne sait parler de ses sentiments qu’à travers l’écriture, car dans ces moments là, elle n’est plus elle-même.

La vie n’est qu’apparences, le principal c’est que les autres y croient !!!

« L’éternité et le chagrin songe t elle. Ces deux dimensions, elle en est une portion infime. Etrange. Le chagrin d’une personne est plus petit qu’une particule de poussière dans l’univers » p. 174

Cette écriture saccadée, précise et souvent poétique est originale. La construction littéraire peut dérouter parfois mais fait vraiment partie du charme de ce roman.

Voilà un livre très riche émotionnellement car il résonne forcément en nous. Il est implacable et sans concession sur la personnalité de l’héroïne ( l’auteur ?).

Voilà donc vraiment un livre à découvrir et à déguster. Encore une littérature nordique à ne pas rater car elle sort des sentiers battus.

Editions Gaïa, 399p., 2014

Note: 4/5

Merci à Olivier Moss et PriceMinister pour m’avoir permis cette lecture dans le cadre des Matchs des la rentrée littéraire 2014

les matchs de la rentrée littéraire

 

 

 

 » Je refuse  » de Per Petterson

 » Je refuse  » de Per Petterson

je refuseLa littérature scandinave a toujours exercé sur moi une fascination irresistible. Ces romans dégagent à chaque fois une atmosphère particulière, les histoires sont racontées par petites touches comme un tableau impressionniste. La nature et la psychologie sont également toujours partie prenante des histoires. « Je refuse » est dans cette veine là ! de ces romans sensibles tout en finesse, où l’imaginaire décolle et se laisse porter par les personnages dont on s’imprègne petit à petit.

Ici il s’agit de Jim et Tommy, deux personnages qui se sont connus enfants, dont l’éducation, les valeurs familiales, les chances données par la vie sont opposées mais qui sont unis par une amitié sans faille pour affronter les difficulté de l’apprentissage de l’existence. Leurs destins vont finalement être à l’opposé de ce que leurs enfances respectives laissaient présager…

Ils se perdent de vue à l’adolescence et se retrouvent par hasard 30 ans après. Le choc de la réussite de l’un et de la médiocrité de l’autre provoque un besoin de retour en arrière sur leur vie, ce qui les a fait avancer ou au contraire ce qui les a entravé. C’est l’histoire d’une amitié décrite avec beaucoup de sensibilité.  Mais c’est aussi l’histoire d’une résilience de l’un et d’une descente aux enfers de l’autre.

Un livre que j’ai beaucoup aimé, dont l’histoire est tout en subtilité et en évocations…

Note :3/5

Editions Gallimard, collection « Du monde entier », 269p., 2014

« La lettre à Helga » de Bergsveinn Birgisson- Rentrée littéraire 2013

« La lettre à Helga » de Bergsveinn Birgisson- Rentrée littéraire 2013

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Comme l’an dernier, je démarre cette rentrée littéraire 2013 par un roman d’un auteur islandais et comme l’an dernier je suis certaine d’avoir lu un futur grand succès que les hommes comme les femmes vont adorer et se conseiller chaleureusement les prochaines semaines.

Bjarni est un éleveur de brebis islandais arrivé à la fin de sa vie. Les quelques jours d’été qu’il va passer chez son fils, vont être l’occasion d’écrire une longue lettre bouleversante destinée à l’amour de sa vie, Helga, une éleveuse comme lui. Il revient sur leur histoire commune, leur passion contrariée et le mode de vie rural islandais .

Comme toujours dans les livres écrits par des islandais, la nature prend une place prépondérante et devient un personnage aussi important que le héros. Pour ceux qui connaissent l’Islande tout y est dans ce petit livre, la culture, l’histoire du pays, les références aux sagas, les descriptions des paysages.

La nature rude et implacable donne des hommes et des femmes à son écoute, en harmonie totale avec elle. Elle impose une solidarité entre les hommes et les femmes pour survivre. Comme décrit dans ce roman, la tradition littéraire, l’amour des livres est largement répandue en Islande même en zone rurale.

Mêmes les descriptions érotiques de ses amours avec Helga, souvent très crues, sont associées et comparées à la nature. Ce qui donne des pages superbes et très originales voire cocasses.

Cet amour impossible est l’occasion pour ce fermier, d’évoquer une réflexion philosophique sur la nature des liens des hommes avec leurs origines et leurs ancêtres dans une société de plus en plus urbaine où la consommation à outrance devient un signe de bonheur et où l’uniformisation des cultures est le quotidien.

Cet homme qui a du faire le choix de sa terre, de son élevage face à une vie facile mais sans âme en ville, se pose les bonnes questions sur une société islandaise à majorité rurale.

L’écriture est simple, belle, assez littéraire, magnifiquement poétique. L’auteur, né en 1971 est titulaire d’un doctorat en littérature médiévale scandinave, son grand-père était lui-même éleveur et pêcheur dans le Nord-Ouest de l’Islande.

L’histoire d’amour touchera chacun, ce livre réussit en 131 pages le défi de nous bouleverser et nous faire réfléchir.Un livre que je conseille avec force.

À LIRE et À CONSEILLER sans modération !

De plus, publié chez Zulma, la jaquette est comme toujours superbe.

Editions Zulma, Septembre 2013, 131P.

Note : 5+/5

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Rentrée littéraire 2013 : Achats du jour

Rentrée littéraire 2013 : Achats du jour

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Les prochains livres qui seront chroniqués ici :

  • « La lettre à Helga » de Bergsveinn Birgisson, Editions Zulma
  • « Esprit d’hiver » de Laura Kasischke, Editions Cheistian Bourgois
  • « Danse Noire » de Nancy Houston, Editions Actes Sud
  • « Le dilemme du prisonnier » de Richard Powers, Editionsdu Cherche Midi, coll. Lot 49
  • « Dans le silence du vent » de Louise Herdrich, Editions Albin Michel

Je crois que comme chaque année depuis 3 ou 4 ans, je vais débuter cette rentrée littéraire par un roman islandais, cette année ce sera donc, « La lettre à Helga »

A très bientôt

 

 

« La femme lion » de Eric Hansen

« La femme lion » de Eric Hansen

images-31Cette histoire dérangeante raconte la vie d’ Eva, petite fille norvégienne, née au début du XXème siècle avec une anomalie génétique rare, l’hirsutisme. Un abondant pelage doux recouvre tout son corps et la fait ressembler à un petit lionceau. Sa mère étant morte à sa naissance, son père un modeste chef de gare d’une petite ville de province, doit faire face au regard des autres. Il maintient enfermé sa fille chez lui afin de la protéger de la curiosité malsaine. Eva va donc grandir dans un univers de solitude et de lecture où son intelligence et sa sensibilité vont faire exploser les murs de son isolement.

Sa maladie fascine le corps médical qui va s’arracher l’étude de son cas. Son histoire bascule lorsqu’arrive la confrontation inévitable avec le monde extérieur. La méchanceté et la dépravation vont forger le caractère de cette jeune fille très attachante qui va se rendre compte de son pouvoir fascinant et finir par devenir manipulatrice de son entourage.

L’auteur arrive a traiter d’un sujet très délicat sans tomber dans le voyeurisme, l’exploitation facile des personnes souvent perçues comme des monstres de la nature. Il y a beaucoup d’amour dans ce livre même si celui ci n’est jamais exposé.

Ce roman n’est pas facile à lire, l’auteur a une écriture exigeante de son histoire mais l’effort de lecture est récompensé par une histoire que l’on ne peut pas oublier avec des personnages extrêmement attachants.

Éditions Gallimard,coll. du Monde Entier, 2011, 452p.

Note : 4/5

« Froid mortel » de Johan Theorin

« Froid mortel » de Johan Theorin

images-30J’ai toujours beaucoup apprécié les policiers/thrillers de Johan Theorin ( » L’écho des morts », « L’heure trouble » ou « Le sang des pierres » ), à chaque parution d’un nouveau titre de cet écrivain suédois, je me suis précipitée pour le lire et je n’ai jamais été déçue. J’appréciais particulièrement ces romans pour leur ambiance très particulière où la nature très présente est toujours un personnage à part entière. Les histoires des hommes étaient liées aux histoires des îles, des landes marines, des légendes…

Dans ce dernier roman, « Froid mortel », Johan Theorin nous projette dans une toute autre atmosphère.

Ce roman raconte l’histoire d’un jeune homme, professeur de maternelle/ puériculteur, qui postule dans une école maternelle bien particulière, puisqu’elle elle dépend d’un hôpital psychiatrique, l’hôpital sainte Barbe, qui héberge de dangereux malades mentaux. La direction a pour projet de ne pas séparer les enfants des parents internés, il y a donc cette école maternelle qui est mitoyenne de l’hôpital sans en faire partie vraiment, où se retrouvent les enfants des personnes internées. Un couloir souterrain la relie à l’hôpital et permet aux enfants de rendre des visites à leurs parents.

On va vite comprendre que Jan Hauger, le jeune professeur a un passé plutôt trouble et que ces motivations pour postuler à ce poste ne sont pas sans arrières pensées. Sa fascination pour se qui se passe de l’autre côté des barbelés, dans l’hôpital Sainte Barbe n’a rien à voir avec les enfants dont il s’occupe. Le passé de chacun des personnages va revenir à la surface et faire exploser des secrets inavouables .

Johan Théorin, nous propose une thriller psychologique dans un contexte complètement différent de ses précédents ouvrages et je dois dire que j’ai eu du mal à entrer dans celui-ci, à m’attacher aux personnages.

Il m’a fallu bien 200 pages (sur les 448p.) pour être vraiment accrochée et avoir le sentiment que l’histoire décollait et que je ne pourrais plus la lâcher.

Mes sentiments sont donc mitigés sur ce roman, déroutée par le changement de style de l’auteur et l’installation de l’histoire que j’ai trouvée trop longue, j’ai finalement été happée par les intrigues mais avec un certain détachement, peu d’empathie.

Pour ceux qui ne connaissent pas l’auteur et voudraient le découvrir, je recommanderais plutôt « L’heure trouble » ou « l’écho des morts ». Je trouve plus d’originalité à son univers quand il fait du policier ancré dans la nature nordique.

Editions Albin Michel, 2013, 448p.

Note : 3/5

« L’Embellie » de Audur Ava Olafsdottir

« L’Embellie » de Audur Ava Olafsdottir

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C’est l’histoire d’un road trip improbable d’une jeune femme de 36 ans qui vient d’être quittée par son mari et qui part, accompagnée du jeune fils de sa meilleure amie Tumi, 4 ans, sourd et presque aveugle, sur l’unique route autour de l’Islande vers l’est . Vers la recherche de son passé, vers la quête de sens de sa vie…
Elle, que son mari à quitté, entre autres parcequ’elle ne voulait pas d’enfants se retrouve à apprivoiser ce petit bonhome avec qui la communication est une gageure.
Cette femme, traductrice de métier, qui parle 11 langues, semble connaître des problèmes de communications avec ceux qu’elle aime…
Ce voyage autour de l’Islande en novembre sous une pluie constante est comme
une thérapie, une réflexion sur ce que doit être sa vie, sur ce qu’elle a été, ses traumatismes de l’enfance évoqués par touches elliptiques.
Impossible de parler de ce livre sans parler de la présence puissante de la nature.
Connaissant ce pays fascinant et étrange que j’ai eu la chance de visiter, ce livre prend une force d’évocation incroyable quand on connaît les paysages parfois lunaires de la lande islandaise.
Vous l’avez compris, j’ai adoré voyager avec ces personnage si sensibles, attachants et complexes dans ce pays fascinant…
Un dernier mot sur l’ecriture fluide et l’humour toujours présent de ce roman.
Encore un livre que je vais conseiller et offrir souvent cette année…

Editiions Zulma, 2012, 395p.

Note 5/5

« Délivrance » de Jussi Adler-Olsen

« Délivrance » de Jussi Adler-Olsen

 

images-5Après Miséricorde, que j’avais adoré et Profanation, que j’ai beaucoup moins aimé, Délivrance, est une très grande réussite. Si vous n’avez pas peur de passer un jour et 2 nuits sans dormir car vous ne pourrez le lâcher, précipitez vous !

3ème volet des aventures de Carl Mørck l’enquêteur du département V et de ses acolytes, Hafez el Assad, de plus en plus mystérieux et l’assistante Rose incontrôlable, les dossiers se bousculent dans les sous sol de l’hôtel de police. Une mystérieuse bouteille retrouvée en mer d’écosse contient un message écrit en danois quasiment effacé datant d’on ne sait quand…ces bribes de pistes excitent au plus au point toute l’équipe du département V !
Cette histoire se déroule dans le milieu des sectes et autres religions rigoristes.
l’intérêt du livre, très bien écrit, réside autant dans la façon dont l’intrigue est menée, lentement dans la première moitié avec mise en place des protagonistes et haletante dans la dernière partie, que dans la psychologie des personnages.
Jussi Adler olsen obtient l’exploit de nous faire nous attacher à tous les personnages, de toujours vouloir en savoir    plus !
Je suis réellement bluffée par la construction et l’évolution des personnages.
J’ai tellement hâte que le 4ème volet soit édité !!!

Editions Albin Michel, 2013, 502p.

Note 5/5