Category Archives: Littérature française

« Quand sort la recluse » de Fred Vargas

« Quand sort la recluse » de Fred Vargas

Il y a plus de 10 ans que je n’avais rien lu de Vargas, J’avais bien aimé à l’époque ses policiers et puis j’étais passée à autre chose. J’ai eu envie de m’y replonger pour voir si le feeling passait toujours aussi bien que dans mes souvenirs.

Que dire de ce nouvel opus … j’en ressors avec des sentiments très contrastés. Tout d’abord j’ai eu beaucoup de mal à entrer dans l’histoire, car le livre commence par une banale enquête de meurtre maquillée en accident de la route qui est résolue en une vingtaine de pages. Rien à voir avec l’enquête principale sur des morts suspectes dues à des morsures d’araignées appelées les recluses, fil conducteur de ce polar. Le roman part dans tous les sens, c’est brouillon, confus. Les descriptions des personnages de la brigade prennent plus de place que la première enquête elle même qui finalement ne sert que d’alibi pour planter un décor et décrire le mode de fonctionnement de cette brigade de police.

Il ne faut absolument pas être attaché à la crédibilité pour apprécier ce type de romans policiers. J’ai été très longtemps mal à l’aise au démarrage de l’enquête sur la recluse, peut être parce que je suis une phobique des araignées (le titre m’avait plutôt fait penser de prime abord à ces recluses femmes au moyen âge) je n’arrivais absolument pas à m’intéresser à cette histoire, à lui trouver la moindre crédibilité.

Les ressorts de l’enquête sont tout ce qu’il y a d’improbables, les arguments également, ne parlons même pas des rebondissements, des citations et des flash back historiques n’ayant rien à voir… Je me suis demandée par moment sous quelles substances l’auteur avait écrit son texte !!! je plaisante mais pas tant que ça …

Mais il faut reconnaître qu’à partir de la moitié du livre (250 pages quand même !) je n’ai pas pu le lâcher, ma curiosité était vraiment piquée, surtout de savoir comment l’auteur allait se sortir de son histoire…

En fait ce qui m’a plu dans ce policier c’est tout ce qui n’est pas l’enquête elle même…  j’ai aimé l’univers complètement fou de ce commissariat où le nourrissage d’une couvée de merles dans la cour peut devenir  la priorité numéro 1, par exemple. Tous les personnages de ce roman ont des personnalités parfois caricaturales mais leurs interactions sont loufoques et drôles, c’est foisonnant, délirant très souvent.

Fred Vargas explose les codes classiques du roman policier avec une certaine virtuosité il faut le dire, même si je ne suis plus une fan inconditionnelle, je trouve les ficelles narratives un peu trop caricaturales. Je vais faire bondir les aficionados de cet auteur, mais autant j’avais été envoutée par son style il y a 10 ans dans ses premiers livres, autant je reste très perplexe maintenant concernant la surenchêre  de ce type de polar loufoque foutraque.

Pour les amateurs du genre .

Flammarion, 477 pages, 2017

Note 2/5

 » La baleine thébaīde  » par Pierre Raufast

 » La baleine thébaīde  » par Pierre Raufast

Comme promis, voici roman qui me donne envie de renouer avec ce blog car je souhaite vraiment de partager mon enthousiasme.

Enfin un écrivain français qui nous offre un roman qui nous emporte dans une histoire épique presque digne de Moby  Dick. Une imagination, une fantaisie loufoque, un conte où la tendresse et les idéaux s’écrasent contre le mur de la cupidité, de la science dévoyée à de tristes desseins.

En 217 pages Pierre Raufast nous emporte de Cergy-Pontoise à l’Alaska sur un baleinier puis dans l’univers des laboratoires de recherche médicale et enfin dans celui des starts up de la Silicone Valley en passant par les hackers Russes et l’Amérique du Sud !

Richeville, ce fragile jeune diplômé de l’Essec un peu paumé et très idéaliste va vivre des aventures incroyables où les baleines sont le fil conducteur de ce texte jubilatoire.

Mais ce qui est intéressant c’est l’écriture de Pierre Raufast, sa construction littéraire et son univers. Un vrai roman foisonnant qui vous emporte  et ne vous lâche plus.

Le début du livre commence gentiment, il nous  permet de bien comprendre la personnalité de Richeville, puis vers la page 60 tout bascule et le livre devient quasi un thriller déjanté. Tous les personnages ont de l’épaisseur psychologique, d’ailleurs chacun raconte sa vision de l’histoire dans un chapitre le concernant.

C’est un livre  idéal pour les vacances, il y a de la fantaisie, du dépaysement, de la poésie, une belle caricature de notre société à travers le mythe de la sauvegarde d’une espèce en danger, la baleine.

 

« L’extraordinaire voyage du Fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea » de Romain Puertolas – Rentrée littéraire 2013

« L’extraordinaire voyage du Fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea » de Romain Puertolas – Rentrée littéraire 2013

images-5Il y a longtemps que je sais que je suis beaucoup plus sensible aux romans dits dramatiques, aux histoires compliquées ou douloureuses. Il est finalement beaucoup plus difficile selon moi d’écrire un texte très réussi dans le registre humoristique. Quand ce livre a été annoncé par de nombreux blogs cet été comme étant une vraie réussite, comme étant hilarant, j’étais vraiment impatiente de le lire pour changer un peu de registre pour une fois.

La presentation de l’ouvrage par son auteur semblait confirmer ce pronostic, ce côté loufoque, déjanté de l’histoire était très séduisant pour sortir de la morosité de la majorité des textes de la rentrée littéraire.

Et bien, il faut croire que je suis hermétique à l’humour en littérature, car je n’ai absolument été réceptive à l’incohérence de l’histoire, aux pseudos jeux de mots, aux délires sur les noms des personnages.

Les situations grotesques me sont apparues cousues de ficelles tellement grosses que cela ne m’a même pas fait sourire…

Il y a quelque chose qui m’échappe dans le succès de ce livre excepté la puissance marketing du titre et le capital sympathie de l’auteur.

Je n’en dirai pas plus, je ne l’ai pas fini…
Et vous, vous en avez pensé quoi ?

Note : 1/5

Editions la Diléttante, 2013, 252p.

 

« Amants » de Catherine Guillebaud

« Amants » de Catherine Guillebaud

images-4Une éditrice parisienne mariée, mère d’une fillette et aimant son mari, tombe passionnément amoureuse d’un homme lui aussi marié et vivant à l’autre bout de la France.

Décrit de la sorte, le thème de ce roman est loin d’être original, mais plutôt un grand classique de la littérature. C’est sans compter avec l’écriture de Catherine Guillebaud, certainement puisée dans un vécu personnel, elle nous emmène avec précision dans tous les méandres de la folie amoureuse. Quiconque a vécu une passion amoureuse se retrouvera dans ces émotions et ces sentiments puissants provoqués par ce type de relation.

La culpabilité, la réflexion sur la fidélité, la perte de contrôle de ses actes, les angoisses quotidiennes du secret, tout est décrit avec force et une grand humanité à travers ces personnages dont on comprend très vite que leur destin, comme souvent avec les coups de foudre, sera sans avenir.

A travers un récit minutieux de ces quelques mois de rencontres, elle exprime avec des phrases simples mais qui nous projettent avec précisions dans tous les émois d’une relation adultère où aucun avenir n’est envisageable et où la violence sert d’exutoire à la frustration…

Je ne suis vraiment pas fan des romans ( autobiographiques ? ) français d’habitude, mais j’ai été très touchée par ce couple pour lequel on ne peut pas faire autrement que de ressentir une très forte empathie.

Editions du Seuil, 2002, 173p.

Note: 3/5

 

« Instinct primaire » de Pia Petersen- Rentrée littéraire 2013

« Instinct primaire » de Pia Petersen- Rentrée littéraire 2013

images-2 » Quand tout a été dit sans qu’il soit possible de tourner la page, écrire à l’autre devient la seule issue. Mais passer à l’acte est risqué. Ainsi après avoir rédigé sa Lettre au père, Kafka avait préféré la ranger dans un tiroir. Ecrire une lettre, une seule, c’est s’offrir le point final, s’affranchir d’une vieille histoire. « C’est ainsi que Claire Debru directrice de la collection « Les affranchis »où est publié ce texte,  explique la ligne directrice donnée à ses auteurs.

Ici Pia petersen, rédige la lettre d’une femme écrivain, à son amant, son grand amour. Ils se sont séparés brutalement, sur un malentendu qui ne sera révélé que dans les dernières lignes, sans jamais s’expliquer par la suite. Cette lettre est l’occasion pour cette femme de revenir sur leur relation et de tenter de donner son explication, sa vision de leur amour et ses motivations profondes.

C’est l’histoire d’une femme qui aime profondément un homme déjà marié et est heureuse dans cette situation. Mais c’est aussi l’histoire d’un homme qui veut épouser sa maitresse, lui faire des enfants, rentrer dans le moule social. Alors que pour elle les sentiments profonds se suffisent à eux-mêmes.

« Le mariage c’est signer un contrat dans lequel il est stipulé qu’il ne faut plus jamais tomber amoureux de quelqu’un d’autre. Est-ce que l’on a si peur de perdre l’autre que l’on soit obligé de lui mettre un contrat autour du cou ? Jamais je n’ai imaginé t’enchaîner à moi par peur de te perdre. »

Cette lettre est l’occasion pour l’auteur de faire une réflexion sur la relation amoureuse et ses différentes facettes sous le regard des autres, sur la difficulté de résister aux diktats et a priori sociaux, sur la liberté de vivre et penser différemment.J’ai vraiment beaucoup aimé la première moitié du livre, qui décrit parfaitement cet état amoureux idéal, où le désir de propriété sur l’autre n’existe pas, où seul le partage, la complicité sont importants.

La deuxième partie du livre traite du sujet sensible de  la liberté des femmes à choisir de ne pas avoir d’enfants. Et surtout à comprendre comment se définit la femme aujourd’hui, en fonction de quels critères dans la société actuelle. La femme doit elle obligatoirement être mère et être mariée pour avoir un statut crédible ? Cette partie intéressante m’a paru néanmoins un peu trop longue avec beaucoup de redites.

Ce livre se dévore et ne laissera personne indifférent, qu’il gêne, agace ou emballe le (la) lecteur (trice). La réflexion qu’il suscite est intelligente et nécessaire.

A lire !

Nil Editions, Octobre 2013, 107p.

Note: 4/5

« Une part de ciel » par Claudie Gallay- Rentrée littéraire 2013

« Une part de ciel » par Claudie Gallay- Rentrée littéraire 2013
imagesCarole reçoit un jour une boule en verre avec de la neige artificielle, de celles que l’on trouve dans tous les lieux touristiques avec les monument emblématiques.
C’est le signe pour elle que son père Curtil, va revenir sur leur lieu d’enfance afin de revoir ses enfants, son frère et sa soeur restés au pays, Philippe, garde forestier et Gaby femme de chambre dans un hôtel.
Ce pays de l’enfance c’est un petit village de montagne calme et paisible proche du parc de la Vanoise dont le sort va peut être basculer avec la création d’une piste de ski afin de dynamiser le pays.
Pour Carole c’est un retour aux sources, pour la première fois sans son mari car juste divorcée et sans ses filles parties en Australie.
Ainsi commence l’attente du retour du père annoncé depuis toujours par ces envois de boules à neige. Ce père qui a été plus souvent absent dans leur enfance que présent…
Carole, installée dans un gîte, traduit un livre sur la vie de Christo, l’artiste qui emballe les monuments, pour occuper ses journées, mais aussi essaye de s’intégrer à nouveau à la vie du village de son enfance.
Claudie Gallay distille l’attente de ce père avec des descriptions par petites touches du quotidien qui égrènent  la vie des différents personnages de ce village. Bien sûr celle des 3 enfants de Curtil mais aussi celle des témoins de leur enfance, de leurs secrets, des villageois.
L’écriture de Claudie Gallay opère par des petites phrases sèches, âpres qui décrivent avec minutie les gestes du quotidien, l’ambiance dans le village, la communication ou plutôt l’incommunicabilité entre eux…
La succession de phrases commençant par j’ai fait  ceci… j’ai fait cela… peut surprendre et gêner mais participe à l’immersion par les détails dans la vie de ce village et celle de cette famille.
Il est bien évident que les lecteurs recherchant du rythme, des enchainements d’actions resteront sur leur faim avec ce roman.
Même s’il est incontestable qu’il y a des longueurs, je me suis petit à petit laissée charmer par l’ambiance générale. J’ai parfaitement ressenti l’attente, l’évolution imperceptible mais réelle entre les personnages, les souvenirs qui ressurgissent, la communication qui se dévoile, la culpabilité qui rode…
A la fin j’ai eu l’impression d’avoir connu ce village et ces personnages tellement on finit par s’immerger dans cette histoire décrite par le menu… Il faut juste lâcher prise et se laisser porter par l’écriture qui sait s’envoler et devenir poétique par moment.
Un livre sensible et intime comme sait le faire Claudie Gallay.
Livre lu dans le cadre des Matchs de la rentrée littéraire organisés par Price Minister , merci à eux de m’avoir sélectionnée.
Editions Actes Sud, Août 2013, 445p.
Note : 3/5

« L’invention de nos vies » de Karine Tuil – Rentrée littéraire 2013

« L’invention de nos vies » de Karine Tuil – Rentrée littéraire 2013

images-47Samuel, fils d’intellectuels juifs ultra-orthodoxes, rêve de devenir écrivain; Samir, Tunisien d’origine, élevé dans les cités, rêve de la réussite à tout prix en tant qu’avocat; et Nina  est une beauté époustouflante mais sans réelles ambitions; Voilà 3 amis qui se sont rencontrés sur les bancs de la fac, à un moment de leur jeunesse où tous les possibles étaient devant eux ! Nina et samuel sortent ensemble mais les 3 compères partagent une amitié sans faille jusqu’à ce que Samir tombe lui aussi éperdument amoureux de Nina. La trahison fait exploser leur amitié et Nina choisit de rester avec Samuel grâce à un chantage au suicide de celui-ci…

Samir quitte donc Paris pour tenter d’oublier sa passion pour Nina et poursuit sa brillante carrière aux Etats-Unis en réinventant son histoire, ses origines afin de réussir à surmonter le racisme. Il emprunte le passé de son ami Samuel, son prénom, sa religion. 20 ans plus tard alors qu’il est au faîte de sa gloire, une interview de lui sur CNN est vue par  Samuel et Nina à Paris. Samuel qui a raté sa vie et est toujours en couple avec Nina décide de jouer un coup de poker pour relancer sa vie, savoir si Nina l’aime toujours. Il lui propose donc de reprendre contact avec Samir. Mais la découverte de l’usurpation de son identité change les relations, les mensonges vont éclater à la figure de tout le monde et provoquer des séismes ravageurs dans leurs vies à tous les 3 .

Karine Tuil ré-invente le trio amoureux, comme alibi, pour opérer une véritable échographie de notre société moderne avec ses ressorts et mécanismes de la réussite à tout prix, ses compromissions, ses faux semblants et ses mensonges nécessaire à la réussite sociale. Elle aborde tous les grands sujets de société dans une construction littéraire magistrale, la réussite vue de toutes les origines sociales, le racisme, l’assimilation, le corporatisme religieux, la sexualité débridée et le statut de la femme.

Nous avons entre le personnage de Samir et celui de Samuel, l’opposition entre le déterminisme et la victimisation de son histoire.

Tout y est dans ce roman mené tambour battant, avec une écriture riche mais aussi quasi cinématographique par moments. Le rythme précis et descriptif dans certains passages, s’accelère et devient quasiment haché à d’autres. Les notes de bas de pages sur les personnages annexes sont comme de mini biographies qui ajoutent au côté « cinématographique » du livre .

A partir de la moitié du roman tout s’accélère et il devient complètement impossible de la lâcher, on est littéralement happé par le besoin de savoir où vont nous conduire les personnages.

Alors certes, il y a des excès dans certaines situations parfois peu crédibles, mais cela importe peu, la connaissance des ressorts de l’âme humaine de Karine Tuil dans notre société est implacable.

Le passé, sa propre histoire, ses origines, on peut toujours essayer de les renier, tôt ou tard ils viennent vous rattraper en boomerang dans la figure.

Ce livre va certainement avoir un grand succès mérité auprès des libraires, de la presse et des lecteurs. Je viens d’ailleurs de lire qu’il faisait parti de la première sélection du prix Goncourt, il a de bonnes chances de réussite.

Editions Grasset, Août 2013, 493p.

Note : 5/5