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 » La baleine thébaīde  » par Pierre Raufast

 » La baleine thébaīde  » par Pierre Raufast

Comme promis, voici roman qui me donne envie de renouer avec ce blog car je souhaite vraiment de partager mon enthousiasme.

Enfin un écrivain français qui nous offre un roman qui nous emporte dans une histoire épique presque digne de Moby  Dick. Une imagination, une fantaisie loufoque, un conte où la tendresse et les idéaux s’écrasent contre le mur de la cupidité, de la science dévoyée à de tristes desseins.

En 217 pages Pierre Raufast nous emporte de Cergy-Pontoise à l’Alaska sur un baleinier puis dans l’univers des laboratoires de recherche médicale et enfin dans celui des starts up de la Silicone Valley en passant par les hackers Russes et l’Amérique du Sud !

Richeville, ce fragile jeune diplômé de l’Essec un peu paumé et très idéaliste va vivre des aventures incroyables où les baleines sont le fil conducteur de ce texte jubilatoire.

Mais ce qui est intéressant c’est l’écriture de Pierre Raufast, sa construction littéraire et son univers. Un vrai roman foisonnant qui vous emporte  et ne vous lâche plus.

Le début du livre commence gentiment, il nous  permet de bien comprendre la personnalité de Richeville, puis vers la page 60 tout bascule et le livre devient quasi un thriller déjanté. Tous les personnages ont de l’épaisseur psychologique, d’ailleurs chacun raconte sa vision de l’histoire dans un chapitre le concernant.

C’est un livre  idéal pour les vacances, il y a de la fantaisie, du dépaysement, de la poésie, une belle caricature de notre société à travers le mythe de la sauvegarde d’une espèce en danger, la baleine.

 

« Ces instants-là » de Herbjorg Wassmo

« Ces instants-là » de Herbjorg Wassmo

ces instants làEncore un roman de littérature scandinave et je ne m’en lasse pas ! quel régal. Mais quel livre difficile à critiquer ! nous sommes dans un roman (ou autobiographie voilée) à l’écriture exigeante et riche en fantasmagories mais aussi incisive sur la poésie des mots, sur l’esthétique et sur la précision du verbe. Le lecteur peut être dérouté au démarrage par le fait que presque aucun des personnages n’a pas de nom, ils ne sont cités que par leur fonction ou statut. C’est l’histoire d’une destinée hors du commun et d’une introspection sans concession sur les états d’âme d’une jeune fille qui veut faire quelque chose de sa vie en opposition à un père qu’elle hait et une mère trop soumise.

Nous suivons cette jeune femme tout au long de sa vie et sur ses choix dans le grand nord norvégien. Je l’ai déjà dit dans ma précédente critique de « Je refuse » de Per Petterson, mais dans toute cette littérature nordique, la nature est un personnage à part entière qui créée un envoutement particulier. La lumière, le froid, l’isolement, le manque de lumière, tous ces éléments ont une influence  sur les destinées.

Cette jeune femme que l’ont voit évoluer, se battre contre ses démons ( des crises d’épilepsies sans doute) contre son impression d’être sans intérêt, même quand on lui prouve le contraire est particulièrement attachante. Son combat pour donner un sens à sa vie, sa carrière d’institutrice mais surtout sa réussite en littérature son entachés  par ses remises en questions personnelles. Elle est dans une solitude totale et parait en permanence étrangère à sa propre vie.

 » Elle flotte dans son propre cerveau vide sans que quiconque sache qu’elle existe » p.68

« Le pire … ce ne sont pas les mots qu’elle écrit, ni ceux qu’elle n’arrive pas à apprendre par coeur dans un manuel. Le pire, ce sont les mots qui ne pourront jamais être dits et donc jamais écrits. c’est la destruction même. Ce qui jamais ne passe. » p.70

« Quand elle parle avec des gens, elle entend elle même la fausseté. Son dessein est d’enjoliver l’instant pour être aimée ou en tous cas acceptée. « p.74

« Rien ne sert de croire au destin, il faut le fabriquer soi-même. « p.81

Ces quelques citations reflète l’état d’esprit de cette jeune femme qui doute de tout et surtout d’elle même dans les moindres recoins de son âme.

Pour prendre possession d’elle-même, elle s’engage dans le métier d’institutrice. Elle se forge sa personnalité en s’opposant à la société patriarcale norvégienne. C’est une artiste, elle écrit et sera reconnue pour ses publications, elle dessine, tout cela lui confère une sensibilité particulière. Son attitude féministe lui donne l’apparence d’une assurance dont elle est dépourvue au fond d’elle même. Elle est très influencée par Simone de Beauvoir. Elle ne sait parler de ses sentiments qu’à travers l’écriture, car dans ces moments là, elle n’est plus elle-même.

La vie n’est qu’apparences, le principal c’est que les autres y croient !!!

« L’éternité et le chagrin songe t elle. Ces deux dimensions, elle en est une portion infime. Etrange. Le chagrin d’une personne est plus petit qu’une particule de poussière dans l’univers » p. 174

Cette écriture saccadée, précise et souvent poétique est originale. La construction littéraire peut dérouter parfois mais fait vraiment partie du charme de ce roman.

Voilà un livre très riche émotionnellement car il résonne forcément en nous. Il est implacable et sans concession sur la personnalité de l’héroïne ( l’auteur ?).

Voilà donc vraiment un livre à découvrir et à déguster. Encore une littérature nordique à ne pas rater car elle sort des sentiers battus.

Editions Gaïa, 399p., 2014

Note: 4/5

Merci à Olivier Moss et PriceMinister pour m’avoir permis cette lecture dans le cadre des Matchs des la rentrée littéraire 2014

les matchs de la rentrée littéraire

 

 

 

 » Je refuse  » de Per Petterson

 » Je refuse  » de Per Petterson

je refuseLa littérature scandinave a toujours exercé sur moi une fascination irresistible. Ces romans dégagent à chaque fois une atmosphère particulière, les histoires sont racontées par petites touches comme un tableau impressionniste. La nature et la psychologie sont également toujours partie prenante des histoires. « Je refuse » est dans cette veine là ! de ces romans sensibles tout en finesse, où l’imaginaire décolle et se laisse porter par les personnages dont on s’imprègne petit à petit.

Ici il s’agit de Jim et Tommy, deux personnages qui se sont connus enfants, dont l’éducation, les valeurs familiales, les chances données par la vie sont opposées mais qui sont unis par une amitié sans faille pour affronter les difficulté de l’apprentissage de l’existence. Leurs destins vont finalement être à l’opposé de ce que leurs enfances respectives laissaient présager…

Ils se perdent de vue à l’adolescence et se retrouvent par hasard 30 ans après. Le choc de la réussite de l’un et de la médiocrité de l’autre provoque un besoin de retour en arrière sur leur vie, ce qui les a fait avancer ou au contraire ce qui les a entravé. C’est l’histoire d’une amitié décrite avec beaucoup de sensibilité.  Mais c’est aussi l’histoire d’une résilience de l’un et d’une descente aux enfers de l’autre.

Un livre que j’ai beaucoup aimé, dont l’histoire est tout en subtilité et en évocations…

Note :3/5

Editions Gallimard, collection « Du monde entier », 269p., 2014

« L’extraordinaire voyage du Fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea » de Romain Puertolas – Rentrée littéraire 2013

« L’extraordinaire voyage du Fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea » de Romain Puertolas – Rentrée littéraire 2013

images-5Il y a longtemps que je sais que je suis beaucoup plus sensible aux romans dits dramatiques, aux histoires compliquées ou douloureuses. Il est finalement beaucoup plus difficile selon moi d’écrire un texte très réussi dans le registre humoristique. Quand ce livre a été annoncé par de nombreux blogs cet été comme étant une vraie réussite, comme étant hilarant, j’étais vraiment impatiente de le lire pour changer un peu de registre pour une fois.

La presentation de l’ouvrage par son auteur semblait confirmer ce pronostic, ce côté loufoque, déjanté de l’histoire était très séduisant pour sortir de la morosité de la majorité des textes de la rentrée littéraire.

Et bien, il faut croire que je suis hermétique à l’humour en littérature, car je n’ai absolument été réceptive à l’incohérence de l’histoire, aux pseudos jeux de mots, aux délires sur les noms des personnages.

Les situations grotesques me sont apparues cousues de ficelles tellement grosses que cela ne m’a même pas fait sourire…

Il y a quelque chose qui m’échappe dans le succès de ce livre excepté la puissance marketing du titre et le capital sympathie de l’auteur.

Je n’en dirai pas plus, je ne l’ai pas fini…
Et vous, vous en avez pensé quoi ?

Note : 1/5

Editions la Diléttante, 2013, 252p.

 

« Amants » de Catherine Guillebaud

« Amants » de Catherine Guillebaud

images-4Une éditrice parisienne mariée, mère d’une fillette et aimant son mari, tombe passionnément amoureuse d’un homme lui aussi marié et vivant à l’autre bout de la France.

Décrit de la sorte, le thème de ce roman est loin d’être original, mais plutôt un grand classique de la littérature. C’est sans compter avec l’écriture de Catherine Guillebaud, certainement puisée dans un vécu personnel, elle nous emmène avec précision dans tous les méandres de la folie amoureuse. Quiconque a vécu une passion amoureuse se retrouvera dans ces émotions et ces sentiments puissants provoqués par ce type de relation.

La culpabilité, la réflexion sur la fidélité, la perte de contrôle de ses actes, les angoisses quotidiennes du secret, tout est décrit avec force et une grand humanité à travers ces personnages dont on comprend très vite que leur destin, comme souvent avec les coups de foudre, sera sans avenir.

A travers un récit minutieux de ces quelques mois de rencontres, elle exprime avec des phrases simples mais qui nous projettent avec précisions dans tous les émois d’une relation adultère où aucun avenir n’est envisageable et où la violence sert d’exutoire à la frustration…

Je ne suis vraiment pas fan des romans ( autobiographiques ? ) français d’habitude, mais j’ai été très touchée par ce couple pour lequel on ne peut pas faire autrement que de ressentir une très forte empathie.

Editions du Seuil, 2002, 173p.

Note: 3/5

 

« En mer » de Toine Heijmans – Rentrée littéraire 2013

« En mer » de Toine Heijmans – Rentrée littéraire 2013

images-3Donald, un homme néerlandais, lassé du quotidien et des déceptions de sa carrière professionnelle obtient un congé sabbatique de quelques mois pour accomplir le rêve de sa vie, partir naviguer en mer du nord seul sur son voilier. Il laisse chez lui durant 3 mois sa femme et sa petite fille de 7 ans. Pour clôturer ce projet, il souhaite que Maria, sa fille, fasse avec lui la dernière étape dans son bateau entre le Danemark et les Pays Bas.

Sa femme, ne supportant pas la navigation, refuse de les accompagner, mais finit par accepter que le père et la fille partagent ce moment de vie privilégié malgré son angoisse.

Mais très vite, en dépit des préparatifs minutieux pour que tout se passe bien avec la petite fille, la traversée qui devait être une quasi promenade de santé devient un cauchemar qui bouleverse toutes les prévisions.

Impossible de raconter plus de détails sur cette histoire sans déflorer le noeud psychologique qui est le coeur de la réussite de ce livre.

La narration est précise, factuelle, au début puis devient de plus en plus bouleversante, on s’enfonce dans la peur et l’angoisse en même temps que Donald, qui perd pied après 3 mois de solitude en mer quand l’inconcevable arrive.

L’auteur arrive à nous emmener dans les méandres psychologiques d’un homme, à nous faire vivre cette traversée comme si nous y étions et c’est la peur au ventre, sans aucune mièvrerie, que l’on arrive au bout du roman le souffle coupé, obligé de reconsidérer toute notre lecture au regard des quelques dernières pages.

Voilà un roman qui mérite amplement son prix médicis étranger.

Un livre lu en apnée totale

Merci à « Moi, Clara et les mots » de m’avoir donnée envie, par sa critique, de lire ce roman.

Note : 5/5

Editions, Christian Bourgois, 2013, 155p.

 

« Instinct primaire » de Pia Petersen- Rentrée littéraire 2013

« Instinct primaire » de Pia Petersen- Rentrée littéraire 2013

images-2 » Quand tout a été dit sans qu’il soit possible de tourner la page, écrire à l’autre devient la seule issue. Mais passer à l’acte est risqué. Ainsi après avoir rédigé sa Lettre au père, Kafka avait préféré la ranger dans un tiroir. Ecrire une lettre, une seule, c’est s’offrir le point final, s’affranchir d’une vieille histoire. « C’est ainsi que Claire Debru directrice de la collection « Les affranchis »où est publié ce texte,  explique la ligne directrice donnée à ses auteurs.

Ici Pia petersen, rédige la lettre d’une femme écrivain, à son amant, son grand amour. Ils se sont séparés brutalement, sur un malentendu qui ne sera révélé que dans les dernières lignes, sans jamais s’expliquer par la suite. Cette lettre est l’occasion pour cette femme de revenir sur leur relation et de tenter de donner son explication, sa vision de leur amour et ses motivations profondes.

C’est l’histoire d’une femme qui aime profondément un homme déjà marié et est heureuse dans cette situation. Mais c’est aussi l’histoire d’un homme qui veut épouser sa maitresse, lui faire des enfants, rentrer dans le moule social. Alors que pour elle les sentiments profonds se suffisent à eux-mêmes.

« Le mariage c’est signer un contrat dans lequel il est stipulé qu’il ne faut plus jamais tomber amoureux de quelqu’un d’autre. Est-ce que l’on a si peur de perdre l’autre que l’on soit obligé de lui mettre un contrat autour du cou ? Jamais je n’ai imaginé t’enchaîner à moi par peur de te perdre. »

Cette lettre est l’occasion pour l’auteur de faire une réflexion sur la relation amoureuse et ses différentes facettes sous le regard des autres, sur la difficulté de résister aux diktats et a priori sociaux, sur la liberté de vivre et penser différemment.J’ai vraiment beaucoup aimé la première moitié du livre, qui décrit parfaitement cet état amoureux idéal, où le désir de propriété sur l’autre n’existe pas, où seul le partage, la complicité sont importants.

La deuxième partie du livre traite du sujet sensible de  la liberté des femmes à choisir de ne pas avoir d’enfants. Et surtout à comprendre comment se définit la femme aujourd’hui, en fonction de quels critères dans la société actuelle. La femme doit elle obligatoirement être mère et être mariée pour avoir un statut crédible ? Cette partie intéressante m’a paru néanmoins un peu trop longue avec beaucoup de redites.

Ce livre se dévore et ne laissera personne indifférent, qu’il gêne, agace ou emballe le (la) lecteur (trice). La réflexion qu’il suscite est intelligente et nécessaire.

A lire !

Nil Editions, Octobre 2013, 107p.

Note: 4/5

« Une part de ciel » par Claudie Gallay- Rentrée littéraire 2013

« Une part de ciel » par Claudie Gallay- Rentrée littéraire 2013
imagesCarole reçoit un jour une boule en verre avec de la neige artificielle, de celles que l’on trouve dans tous les lieux touristiques avec les monument emblématiques.
C’est le signe pour elle que son père Curtil, va revenir sur leur lieu d’enfance afin de revoir ses enfants, son frère et sa soeur restés au pays, Philippe, garde forestier et Gaby femme de chambre dans un hôtel.
Ce pays de l’enfance c’est un petit village de montagne calme et paisible proche du parc de la Vanoise dont le sort va peut être basculer avec la création d’une piste de ski afin de dynamiser le pays.
Pour Carole c’est un retour aux sources, pour la première fois sans son mari car juste divorcée et sans ses filles parties en Australie.
Ainsi commence l’attente du retour du père annoncé depuis toujours par ces envois de boules à neige. Ce père qui a été plus souvent absent dans leur enfance que présent…
Carole, installée dans un gîte, traduit un livre sur la vie de Christo, l’artiste qui emballe les monuments, pour occuper ses journées, mais aussi essaye de s’intégrer à nouveau à la vie du village de son enfance.
Claudie Gallay distille l’attente de ce père avec des descriptions par petites touches du quotidien qui égrènent  la vie des différents personnages de ce village. Bien sûr celle des 3 enfants de Curtil mais aussi celle des témoins de leur enfance, de leurs secrets, des villageois.
L’écriture de Claudie Gallay opère par des petites phrases sèches, âpres qui décrivent avec minutie les gestes du quotidien, l’ambiance dans le village, la communication ou plutôt l’incommunicabilité entre eux…
La succession de phrases commençant par j’ai fait  ceci… j’ai fait cela… peut surprendre et gêner mais participe à l’immersion par les détails dans la vie de ce village et celle de cette famille.
Il est bien évident que les lecteurs recherchant du rythme, des enchainements d’actions resteront sur leur faim avec ce roman.
Même s’il est incontestable qu’il y a des longueurs, je me suis petit à petit laissée charmer par l’ambiance générale. J’ai parfaitement ressenti l’attente, l’évolution imperceptible mais réelle entre les personnages, les souvenirs qui ressurgissent, la communication qui se dévoile, la culpabilité qui rode…
A la fin j’ai eu l’impression d’avoir connu ce village et ces personnages tellement on finit par s’immerger dans cette histoire décrite par le menu… Il faut juste lâcher prise et se laisser porter par l’écriture qui sait s’envoler et devenir poétique par moment.
Un livre sensible et intime comme sait le faire Claudie Gallay.
Livre lu dans le cadre des Matchs de la rentrée littéraire organisés par Price Minister , merci à eux de m’avoir sélectionnée.
Editions Actes Sud, Août 2013, 445p.
Note : 3/5

« Dans le silence du vent » de Louise Erdrich – Rentrée littéraire

« Dans le silence du vent » de Louise Erdrich – Rentrée littéraire

images4ème de couverture : « Récompensé par la prestigieuse distinction littéraire américaine, le National Book Award, élu meilleur livre de l’année par les libraires américains, le nouveau roman de Louise Erdrich explore avec une remarquable intelligence la notion de justice à travers la voix d’un adolescent indien de treize ans. Après le viol brutal de sa mère, Joe va devoir admettre que leur vie ne sera jamais comme avant. Il n’aura d’autre choix que de mener sa propre enquête. Elle marquera pour lui la fin de l’innocence.  »

C’est la première fois que je copie une 4ème de couverture, mais cela me parait opportun avec ce livre, car pour moi il aura été un rendez-vous manqué. J’avais beaucoup entendu parlé de Louise Erdrich et j’étais certaine d’apprécier ce roman dont on dit tellement de bien. L’écriture est très belle, mais je ne suis pas arrivée à rentrer dans l’histoire et à être touchée par les personnages. Je ne dis pas que le livre m’a semblé mauvais, mais que cette lecture est arrivée pour moi au mauvais moment sans aucun doute. Au bout d’une semaine où chaque soir je repoussais la lecture je suis arrivée à la conclusion qu’il valait mieux abandonner en cours de route et le reprendre plus tard. Il fait parti de ces livres qui valent le coup de tenter une re lecture dans un état d’esprit différent.

je vous propose, pour vous faire une meilleure idée de ce roman, de lire la critique de Clara  ou d’écouter celle de France Inter …

Editions Albin Michel, 2013, 461p.

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« L’invention de nos vies » de Karine Tuil – Rentrée littéraire 2013

« L’invention de nos vies » de Karine Tuil – Rentrée littéraire 2013

images-47Samuel, fils d’intellectuels juifs ultra-orthodoxes, rêve de devenir écrivain; Samir, Tunisien d’origine, élevé dans les cités, rêve de la réussite à tout prix en tant qu’avocat; et Nina  est une beauté époustouflante mais sans réelles ambitions; Voilà 3 amis qui se sont rencontrés sur les bancs de la fac, à un moment de leur jeunesse où tous les possibles étaient devant eux ! Nina et samuel sortent ensemble mais les 3 compères partagent une amitié sans faille jusqu’à ce que Samir tombe lui aussi éperdument amoureux de Nina. La trahison fait exploser leur amitié et Nina choisit de rester avec Samuel grâce à un chantage au suicide de celui-ci…

Samir quitte donc Paris pour tenter d’oublier sa passion pour Nina et poursuit sa brillante carrière aux Etats-Unis en réinventant son histoire, ses origines afin de réussir à surmonter le racisme. Il emprunte le passé de son ami Samuel, son prénom, sa religion. 20 ans plus tard alors qu’il est au faîte de sa gloire, une interview de lui sur CNN est vue par  Samuel et Nina à Paris. Samuel qui a raté sa vie et est toujours en couple avec Nina décide de jouer un coup de poker pour relancer sa vie, savoir si Nina l’aime toujours. Il lui propose donc de reprendre contact avec Samir. Mais la découverte de l’usurpation de son identité change les relations, les mensonges vont éclater à la figure de tout le monde et provoquer des séismes ravageurs dans leurs vies à tous les 3 .

Karine Tuil ré-invente le trio amoureux, comme alibi, pour opérer une véritable échographie de notre société moderne avec ses ressorts et mécanismes de la réussite à tout prix, ses compromissions, ses faux semblants et ses mensonges nécessaire à la réussite sociale. Elle aborde tous les grands sujets de société dans une construction littéraire magistrale, la réussite vue de toutes les origines sociales, le racisme, l’assimilation, le corporatisme religieux, la sexualité débridée et le statut de la femme.

Nous avons entre le personnage de Samir et celui de Samuel, l’opposition entre le déterminisme et la victimisation de son histoire.

Tout y est dans ce roman mené tambour battant, avec une écriture riche mais aussi quasi cinématographique par moments. Le rythme précis et descriptif dans certains passages, s’accelère et devient quasiment haché à d’autres. Les notes de bas de pages sur les personnages annexes sont comme de mini biographies qui ajoutent au côté « cinématographique » du livre .

A partir de la moitié du roman tout s’accélère et il devient complètement impossible de la lâcher, on est littéralement happé par le besoin de savoir où vont nous conduire les personnages.

Alors certes, il y a des excès dans certaines situations parfois peu crédibles, mais cela importe peu, la connaissance des ressorts de l’âme humaine de Karine Tuil dans notre société est implacable.

Le passé, sa propre histoire, ses origines, on peut toujours essayer de les renier, tôt ou tard ils viennent vous rattraper en boomerang dans la figure.

Ce livre va certainement avoir un grand succès mérité auprès des libraires, de la presse et des lecteurs. Je viens d’ailleurs de lire qu’il faisait parti de la première sélection du prix Goncourt, il a de bonnes chances de réussite.

Editions Grasset, Août 2013, 493p.

Note : 5/5

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« Esprit d’hiver » de Laura Kasischke – Rentrée littéraire 2013

« Esprit d’hiver » de Laura Kasischke – Rentrée littéraire 2013

images-46Ce roman poignant est un huis clos infernal qui se déroule sur la journée de Noêl entre une mère et sa fille de 15 ans, adoptée en Sibérie. Une intrigue psychologique où de la folie va surgir la vérité.

Holly, issue d’une longue lignée de femmes porteuses du gène du cancer, est la seule rescapée de sa famille. Elle même est obligée de se faire opérér des ovaires et du sein, en prévention, afin d’echapper à ce destin. Adopter un enfant, c’est rompre la malédiction des femmes de cette famille, Holly et Eric ont donc décidé il y a 13 ans d’adopter une petite fille russe, Tatiana, dans un orphelinat de Sibérie.

Le livre démarre un matin de Noël, alors que Tatianna a 15 ans. Les parents, à cause d’une grasse matinée non prévue, vont voir le programme de la journée bouleversée. Toute la famille d’Eric, ses parents, qu’il part chercher à l’aéroport, des amis, des collègues doivent venir partager le repas de Noël. Mais c’est sans compter sur une tempête de neige extraordinaire qui va bloquer tout le monde sur les routes. Ainsi La mère et la fille se retrouvent seules face à face.

Holly dès le matin a une sensation étrange qui la poursuit toute la journée, une phrase s’impose à elle, « Quelque chose les a suivi depuis la Russie jusqu’à eux »… Tatiana, qui a toujours été une petite fille magnifique, aux cheveux de jais, au teint pâle bleuté, au caractère doux, attentionné, commence a avoir un comportement des plus étranges qui perturbe sa mère.

On ne peut pas aller plus loin évidemment dans la description de l’histoire sans déflorer ce qui fait le choc du dénouement. Il faut donc surtout évoquer l’écriture de Laura Kasischke, qui arrive à dépeindre avec une précision à la Hitchcok, la montée en puissance de l’étrange, de la tension, de l’angoisse et  de l’incompréhension .

Il y a peu d’action, tout est dans le subtil basculement de la normalité à la folie. La narration alterne cette journée de Noël avec la période de l’adoption de Tatiana dans cet abominable orphelinat russe. Le passé éclairant petit à petit le présent.

Ce roman parle du poids de la culpabilité inconsciente qui pèse de plus en plus lourd tout au long de cette journée. Il évoque la puissance de l’esprit sur la réalité, la façon dont on occulte ce que l’on ne veut pas voir, sur la mémoire.

Ce texte , est comme un tableau en devenir, le peintre compose son tableau par petites touches, vous le regardez travailler, la peinture prend forme mais vous ne comprenez le sujet réel de la composition que lorsque celui-ci est terminé…et là c’est le choc.

Un livre qui vous laissera sans voix, et qui vous poursuit après le mot fin !

Editions Christian Bourgois, septembre 2013, 276p.

Note : 4/5 photo

« La lettre à Helga » de Bergsveinn Birgisson- Rentrée littéraire 2013

« La lettre à Helga » de Bergsveinn Birgisson- Rentrée littéraire 2013

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Comme l’an dernier, je démarre cette rentrée littéraire 2013 par un roman d’un auteur islandais et comme l’an dernier je suis certaine d’avoir lu un futur grand succès que les hommes comme les femmes vont adorer et se conseiller chaleureusement les prochaines semaines.

Bjarni est un éleveur de brebis islandais arrivé à la fin de sa vie. Les quelques jours d’été qu’il va passer chez son fils, vont être l’occasion d’écrire une longue lettre bouleversante destinée à l’amour de sa vie, Helga, une éleveuse comme lui. Il revient sur leur histoire commune, leur passion contrariée et le mode de vie rural islandais .

Comme toujours dans les livres écrits par des islandais, la nature prend une place prépondérante et devient un personnage aussi important que le héros. Pour ceux qui connaissent l’Islande tout y est dans ce petit livre, la culture, l’histoire du pays, les références aux sagas, les descriptions des paysages.

La nature rude et implacable donne des hommes et des femmes à son écoute, en harmonie totale avec elle. Elle impose une solidarité entre les hommes et les femmes pour survivre. Comme décrit dans ce roman, la tradition littéraire, l’amour des livres est largement répandue en Islande même en zone rurale.

Mêmes les descriptions érotiques de ses amours avec Helga, souvent très crues, sont associées et comparées à la nature. Ce qui donne des pages superbes et très originales voire cocasses.

Cet amour impossible est l’occasion pour ce fermier, d’évoquer une réflexion philosophique sur la nature des liens des hommes avec leurs origines et leurs ancêtres dans une société de plus en plus urbaine où la consommation à outrance devient un signe de bonheur et où l’uniformisation des cultures est le quotidien.

Cet homme qui a du faire le choix de sa terre, de son élevage face à une vie facile mais sans âme en ville, se pose les bonnes questions sur une société islandaise à majorité rurale.

L’écriture est simple, belle, assez littéraire, magnifiquement poétique. L’auteur, né en 1971 est titulaire d’un doctorat en littérature médiévale scandinave, son grand-père était lui-même éleveur et pêcheur dans le Nord-Ouest de l’Islande.

L’histoire d’amour touchera chacun, ce livre réussit en 131 pages le défi de nous bouleverser et nous faire réfléchir.Un livre que je conseille avec force.

À LIRE et À CONSEILLER sans modération !

De plus, publié chez Zulma, la jaquette est comme toujours superbe.

Editions Zulma, Septembre 2013, 131P.

Note : 5+/5

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« La nuit tombée » d’Antoine Choplin

« La nuit tombée » d’Antoine Choplin

images-43Un homme, Goury, veut retourner seul sur sa moto dans la zone interdite autour de Tchernobyl ! Ce voyage, deux ans après les événements, encore interdit par les autorités est l’occasion de retrouver ceux qui sont restés sur place et d’évoquer le drame, le désastre humain ainsi que les conséquences sur la nature. Goury qui semble un des seuls qui ait travaillé au nettoyage de la zone et à en être sorti indemne veut retourner dans son ancien appartement pour rechercher quelque chose…

Ce livre sombre, à l’écriture très sobre mais percutante est particulièrement bouleversant d’humanité et d’angoisse. Cette écriture évoque des images fortes d’une nature âpre que l’on ne peut oublier …

Editions de la Fosse aux Ours; août 2012; 121pages.

Note 4/5

« Bernadette a disparu » de Maria Semple

« Bernadette a disparu » de Maria Semple

images-38Voici un roman qui a été défendu et présenté comme génial par beaucoup de blogs littéraires ! je me méfie toujours devant une telle unanimité mais cette fois-ci ma curiosité à été piquée au vif et j’ai donc lu ce livre !

C’est l’histoire rocambolesque de Bernadette célèbre architecte, de son mari Elgie Branch génial informaticien chez Microsoft et de leur fille Bee à Seattle.

Bernadette complètement asociale et décalée par rapport à la vie communautaire de Seattle vit dans son monde. Lorsque Bee annonce fièrement qu’elle souhaite un voyage en Antarctique comme récompense à ses bons résultats scolaires, le fragile équilibre de cette famille mal assortie va voler en éclats et partir en vrille totale.

Les rebondissements sont permanents, ce roman foisonnant, amusant et finalement émouvant fourmille de ressorts narratifs étonnants.

Il faut attirer l’attention sur la forme narrative. Les presque 400 pages que compte ce roman ne sont constituées que de correspondances entre les personnages ( mails, lettres, rapports, notes etc. ) . En tant que lecteur, nous découvrons l’histoire par le filtre de tous les personnages s’adressant les uns aux autres et sous une forme très originale .

On perçoit bien, dans cette écriture, la formation de scénariste de l’auteur.

C’est donc un roman très agréable et amusant à lire. Ce n’est pas de la grande littérature, mais les personnages sont attachants et ça pourrait bien être la lecture idéale sur les plages de vos vacances si vous voulez un roman prenant et original, vous ne pourrez pas le lâcher !

Editions Plon, collection Feux Croisés, 2013, 381p.

Note : 3/5

 

 

« Le présage du corbeau » de Don Rearden

« Le présage du corbeau » de Don Rearden

images-37Surfant sur la tendance des romans de « l’apocalypse » ou de la » fin du monde » Don Rearden nous livre un roman captivant sur une communauté d’Inuits en Alaska, les Yupiks, confrontés à une épidémie de grippe qui anéantit toute la société.

Un couple d’enseignants, John et Anna, venus chercher l’aventure pour une année scolaire, va au sein de cette communauté , essayer de surmonter cette épreuve. Mais personne ne vient les aider.

John va devoir partir seul, dans le froid, et la nature sauvage, sans nourriture, afin de savoir si le monde extérieur existe toujours. Il va rencontrer dans ses pérégrinations une jeune yupik aveugle et une veille femme qui vont le suivre dans sa quête.

L’auteur, Don Rearden, a été élevé et vit lui-même en Alaska perdu dans les montagnes, il connait parfaitement la culture de ces Inuits, leurs problèmes de société, leur isolement, et la destruction de leur culture.

Dans ce roman, que l’on ne peut pas lâcher, il décrit parfaitement la nature, le froid, l’angoissant isolement et surtout les problèmes profonds de cette société ancienne originelle qui n’arrive pas à concilier les apports du monde moderne et leur culture ancestrale. Cette société est rongée par l’alcool et le suicide chez les jeunes.

Cette épidémie de grippe qui ravage toute la région, est elle fortuite ? est elle la simple répliques d’autres pandémies anciennes ? ou est elle le fruit d’une conspiration dont John et ses deux compagnes d’infortunes sont les seuls rescapés ?

Le mystère et le suspense dure jusqu’à la fin…

La forme narrative, un peu déroutante au début, alterne à chaque paragraphe les retours dans le temps, entre l’arrivée du couple d’enseignants dans la région et la fuite de John pour trouver le salut .

Mais, très rapidement on s’adapte et l’histoire finit par faire un tout parfaitement cohérent.

J’ai adoré ce livre haletant où la nature et la société Yupik sont des personnages à part entière. Pour un premier roman c’est un coup de maître !

Editions Fleuve noir, 2013, 344p.

Note : 4/5

 

« Une visite surprise » de Claudie Pernusch

« Une visite surprise » de Claudie Pernusch

images-36Un très beau roman surprise pour moi, qui ne m’attendais pas à être scotchée par cette histoire lue d’une traite cette nuit !

Paulin, ex prof de maths reconverti dans le commerce de la poterie à Soulac, sa ville natale, reçoit comme une bombe, une « Mine » à retardement, la nouvelle de sa paternité. Une paternité subie, contrainte et forcée, 9 ans après une histoire sans lendemain avec la mère.

Juste au moment où sa vie prend enfin le cours du bonheur avec la femme de sa vie, une belle pharmacienne sensuelle et libre qui ne veut surtout pas d’enfants.

Hermine, dite Mine, la petite fille va faire exploser toutes les certitudes des personnages.

L’histoire peut paraître banale mais c’est sans compter avec l’écriture vive, nerveuse et tellement réaliste de l’auteur dans sa description des sentiments contradictoires des personnages. Nous passons avec tous les personnages de ce roman, par toutes les facettes des réactions humaines face à ce genre de nouvelle. L’empathie avec chacun d’eux est immédiate, chacun est profondément humain.

La violence faite aux hommes quand ils doivent assumer une paternité non voulue, non choisie, faite sans amour est remarquablement décrite.

Tous les personnages ont une épaisseur psychologique intéressante.

Un autre aspect du livre très touchant est la beauté poétique des descriptions de cette région du médoc qui va jusqu’au bout du monde de la Gironde !

L’auteur, originaire de Soulac, sait parfaitement nous faire apprécier cette petite station balnéaire vivant hors saison avec des habitants profondément enracinés dans leur terre.

Un livre qui mérite vraiment d’être découvert, très facile à lire, idéal pour une lecture sur une de nos belles plages girondines cet été …

Je remercie les Editions Belfond de m’avoir fait connaître ce roman.

Editions Belfond, 2013, 221P.

Note 4/5

« Une fille, qui danse » de Julian Barnes

« Une fille, qui danse » de Julian Barnes

images-35J’ai toujours beaucoup aimé les romans de Julian Barnes, le plus francophile des auteurs anglais. C’est donc avec un plaisir anticipé que j’ai abordé cette lecture, d’autant que toutes les critiques sont très élogieuses.

Le héros, Tony, un homme de 65 ans, arrivé à la retraite se souvient de sa jeunesse, il retourne sur les pas de ses amitiés adolescentes et sur ses premières amours compliquées. Il finira par enquêter sur son premier grand amour qui s’est mal terminé à l’aune de nouveaux éléments lui parvenant à la maturité.

Je ne vous cache pas que j’ai été déçue. C’est bien écrit et certains passages sur la mémoire sont très intéressants, en particulier les réflexions philosophiques sur la mémoire historique; mais le héros, Tony, m’a laissé de marbre.

J’ai trouvé qu’il passait son temps à s’apitoyer sur son sort et sur sa jeunesse. Qu’il cherchait constamment à se trouver des excuses dans ses errements.

Je n’ai pas eu d’empathie pour ces personnages. Le seul qui m’a paru intéressant est son ami intime Adrian !

Voici quelques extraits concernant sa réflexion philosophique sur la mémoire historique, thème qui est finalement le fil conducteur de tout le livre et de la vie de Tony :

 » A vrai dire, toute cette affaire d’attribuer une responsabilité n’est ce pas une sorte d’échappatoire ? Nous voulons incriminer un individu pour que tous les autres soient disculpés. Nous incriminons un processus historique de façon à disculper des individus.  »

 » La question de l’interprétation subjective contre une interprétation objective, le fait que nous ayons besoin de connaître l’histoire personnelle de l’historien pour comprendre la version qui nous est présentée.  »

 » L’Histoire est cette conviction issue du point où les imperfections de la mémoire croisent les insuffisances de la documentation. »

 » Je sais pour ma part qu’il y a un temps objectif, mais aussi un temps subjectif, le genre de temps qu’on porte sur la surface interne du poignet, là où bat le pouls. Et ce temps personnel, qui est le vrai temps, se mesure dans notre relation à la mémoire. »

Voilà pourquoi en fin de compte, rien que pour ces réflexions, je vous conseille la lecture de ce livre.

Editions Mercure de France, 2013, 193P.

Note : 3/5

« Dans la peau de Sheldon Horowitz » de Derek B. Miller

« Dans la peau de Sheldon Horowitz » de Derek B. Miller

images-34Voici un roman beaucoup plus complexe et profond qu’il n’y parait lorsqu’on lit la 4ème de couverture . Bien écrit et facile à lire, ce livre promet d’accompagner agréablement vos moments de lectures de vacances.

 Sheldon Horowitz est un vieil homme juif de 85 ans déclaré sénile par sa femme, qui après la mort de celle-ci se voit contraint de quitter New York pour habiter à Oslo chez sa petite fille Rhea et Lars son mari norvégien. Ce grand-père râleur, bougon et ronchon critique tout ce qu’il découvre de la Norvège si loin de sa vie d’horloger juif en retraite à New York. Un jour, en l’absence de sa petite fille, il est le témoin d’une agression mortelle sur une jeune femme serbe accompagnée de son fils. Terrorisé et persuadé que l’enfant court également un danger imminent, il s’enfuit avec lui à travers la Norvège.

Telle est la trame de l’histoire, nous suivons alternativement, l’enquête policière, les recherches de Rhea et Lars, la fugue de Sheldon avec l’enfant serbe et les méchants Kosovars qui les traquent.

En parallèle, les chapitres alternent des flashs back avec le passé de Sheldon et c’est là que le roman prend tout son intérêt. Nous découvrons, dans des récits réels ou fictifs l’histoire de Sheldon, aux Etats Unis et durant la guerre de Corée. Mais surtout sa grande blessure, la mort de son fils lors de la guerre du Vietnam dont il se sent responsable.

La personnalité de Sheldon se révèle particulièrement complexe et attachante lors des retours sur son histoire et son passé . L’histoire juive pèse lourd dans ses choix, dans son départ pour la guerre de Corée, mais aussi dans le départ de son fils pour le Vietnam. La culpabilité, le mélange entre la fiction et la réalité, la dynamique narrative donne un roman très riche où l’intrigue n’est qu’une excuse à un questionnement plus profond sur les conséquences des guerres ( que ce soit la 2ème GM, la Corée, le Vietnam ou le Kosovo ) sur l’engagement des hommes et les répercussions psychologiques.

Je dois dire que j’ai mis un peu de temps pour entrer dans cette histoire et me dégager de la contrainte de l’alternance des points de vue et du temps. Mais au final il reste un personnage, Sheldon, extrêmement attachant par ses engagements, ses contradictions et ses excès dont il va payer le prix fort.

C’est donc un roman que je recommande entre polar et réflexion sur la guerre, entre humour et angoisse, entre enfance et grand âge.

Merci à Babelio, Masse critique ainsi que les éditions Les Escales pour m’avoir permis de découvrir ce roman.

Editions Les Escales, 2013, 417p.

Note : 4/5

 

« La femme lion » de Eric Hansen

« La femme lion » de Eric Hansen

images-31Cette histoire dérangeante raconte la vie d’ Eva, petite fille norvégienne, née au début du XXème siècle avec une anomalie génétique rare, l’hirsutisme. Un abondant pelage doux recouvre tout son corps et la fait ressembler à un petit lionceau. Sa mère étant morte à sa naissance, son père un modeste chef de gare d’une petite ville de province, doit faire face au regard des autres. Il maintient enfermé sa fille chez lui afin de la protéger de la curiosité malsaine. Eva va donc grandir dans un univers de solitude et de lecture où son intelligence et sa sensibilité vont faire exploser les murs de son isolement.

Sa maladie fascine le corps médical qui va s’arracher l’étude de son cas. Son histoire bascule lorsqu’arrive la confrontation inévitable avec le monde extérieur. La méchanceté et la dépravation vont forger le caractère de cette jeune fille très attachante qui va se rendre compte de son pouvoir fascinant et finir par devenir manipulatrice de son entourage.

L’auteur arrive a traiter d’un sujet très délicat sans tomber dans le voyeurisme, l’exploitation facile des personnes souvent perçues comme des monstres de la nature. Il y a beaucoup d’amour dans ce livre même si celui ci n’est jamais exposé.

Ce roman n’est pas facile à lire, l’auteur a une écriture exigeante de son histoire mais l’effort de lecture est récompensé par une histoire que l’on ne peut pas oublier avec des personnages extrêmement attachants.

Éditions Gallimard,coll. du Monde Entier, 2011, 452p.

Note : 4/5

« El Ultimo lector » de David Toscana

« El Ultimo lector » de David Toscana

images-28Voici encore un livre comme je les aime, loufoque, déjanté, jubilatoire, cocasse, bref qui sort de l’ordinaire des romans actuels.

Il faut dire que c’est un roman mexicain et que la littérature sud américaine est connue pour être dégagée des oeillères de la littérature européenne, dans les thèmes mais également dans le style .

El Ultimo lector ne fait pas exception, c’est un livre qui nécessite une certaine concentration mais quel bonheur quand on se laisse porter par l’écriture et la verve de l’auteur qui m’a fait penser à Gabriel Garcia Marquez.

L’histoire est celle d’un tout petit village mexicain, Icamole, perché sur le mauvais côté de la montagne, celui où il ne pleut jamais, celui où sévit la sécheresse.

Un jour, un paysan, Rémigio, le seul qui a encore un puits avec de l’eau, découvre en son fond le corps d’une fillette inconnue.

Dans le contexte historique du village, cette découverte le terrorise, il craint qu’on le désigne coupable de ce meurtre. Il fonce donc voir son père Lucio, le bibliothécaire du village pour lui demander conseil.

Cette enquête pour trouver l’assassin de cette petite fille n’est qu’un prétexte, en fait les personnages principaux sont Lucio le truculent bibliothécaire improbable d’un minuscule village où personne ne lit et la littérature elle même !!!

Lucio, qui a été nommé bibliothécaire par hasard grâce à une mesure culturelle gouvernementale, s’est pris au jeu et ne vit que pour ses livres, même depuis que la Région lui a retiré tout subside et lui a intimé l’ordre de fermer la bibliothèque faute de lecteur.

« Lucio envoya une lettre pleine de colère aux autorités de l’Etat, déclarant que si l’eau est d’autant plus nécessaire en plein désert, comme la médecine l’est à la maladie, les livres sont d’autant plus indispensables là où ne personne ne lit .  »

Lucio a une conception bien particulière de la sélection de livres à intégrer dans sa bibliothèque et de la censure, les livres qui ne lui plaisent pas selon des critères très personnels sont donnés à manger aux cafards dans une pièce dédiée.

A l’occasion d’un symposium de bibliothécaires dans la capitale régionale voici une de ses remarques :  » Un spécialiste avait expliqué la manière de ranger les livres selon le sujet, la date de publication… Jamais il n’avait parlé de séparer les bons livres des mauvais.  »

Il fustige la littérature formatée américaine, occidentale qui perverti le lecteur.

Et c’est donc tout naturellement que les conseils qu’il donne à son fils afin de gérer le problème du corps et la recherche du coupable, il les trouve dans la littérature et notamment dans l’histoire d’une petite fille Babette issue d’un roman français qu’il affectionne.

Il faut préciser que, sur la forme, l’auteur passe de la narration de l’histoire à la citation d’extraits de livres de la bibliothèque de Lucio sans aucune précision de ponctuation ou de mise en page. Ce qui fait qu’au début , on peut être un peu perdu, ne pas savoir si on est dans l’histoire ou dans les livres de l’histoire. Mais finalement, rapidement on s’habitue et ça fait partie du charme et de l’objet de ce livre… tout est romanesque, tout est littérature.

Il faut juste lâcher prise sur ses réflexes habituels et se laisser porter par le charme indéniable de cette langue.

A lire !!!

Ed. Grasset, 2009, 214p.

Note: 5/5